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MÉMOIRES.

Il n’y avait pas de bureaux de poste alors dans nos paroisses d’en bas ; mon père ne recevait la gazette de Nelson, le seul journal qui fût alors publié dans le district de Québec, que quinze jours, trois semaines et quelquefois un mois après sa publication : ce n’était pas toujours des nouvelles fraîches. Ces moines étaient souvent des journaux vivants, plus véridiques que ceux de nos jours.

Le récollet bien accueilli de toute la population, le récollet ami de tout le monde, était une chronique vivante et ambulante de tout ce qui se passait dans la colonie ; aussi était-ce fête chez mon père à l’arrivée de ces moines. Une bouteille de vin vieux apparaissait au dessert, et les frères le déclaraient toujours être bien meilleur que celui qu’ils buvaient dans leur couvent.

Nous étions au mois d’octobre à la nuit tombante, heure à laquelle les enfants gâtés et les petits chats font le plus de vacarme. Je laisse aux naturalistes à en expliquer la raison ; mais fort de mon expérience, ayant élevé une famille de treize enfants, je puis garantir l’authenticité de ma remarque. Quant aux chats, gente carnassière, qui chassent plus la nuit que le jour, comme leurs grands frères les tigres, il est, je suppose, dans leur nature de se préparer d’avance à la lutte, en donnant autant d’élasticité que possible à leurs nerfs. Buffon a oublié de traiter ce sujet dans son chapitre de la race féline.

C’était donc sur la brune que, m’étant sauvé dehors pour éviter une correction maternelle probablement très méritée, je continuai mes maussaderies en faisant