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MÉMOIRES.

C’était pourtant lui-même qui gisait inanimé sur le même champ de bataille où il avait combattu un demi-siècle auparavant : au même lieu, peut-être, d’où l’on releva alors son corps sanglant pour le transporter à l’hospice de l’Hôpital-Général.

Cet homme, voyant qu’il donnait encore quelque signe de vie, s’empressa de dénouer sa cravate ; et Monsieur de Lanaudière, après plusieurs efforts, vomit abondamment. Il reprit aussitôt sa connaissance, et reconnaissant le domestique, il lui dit : John you give me life ! (John vous me rappelez à la vie).

Il survécut trois semaines à cet accident, mais parla bien peu. Il fit venir à son chevet le jeune domestique dont j’ai parlé, et lui dit :

— Pourquoi m’as-tu abandonné ? Je n’aurais pas été si cruel envers toi.

Mon oncle était très sobre quoique vivant à une époque où l’on se livrait beaucoup au plaisir de la table ; et il répéta plusieurs fois avec amertume :

— Moi, un de Lanaudière ! être ramassé sur les plaines, comme un ivrogne après une nuit de débauche !

Les médecins furent d’opinion que telle était la force de son tempérament, qu’il aurait recouvré la santé après avoir rejeté les vivres indigestes qui l’étouffaient, sans le froid intense auquel il avait été exposé pendant près de six heures.

Un mot maintenant sur son frère Charles Gaspard de Lanaudière, issu du second mariage de mon grand-père avec la fille du Baron de Longueuil, pour consigner quelques-unes de ses impressions de voyages. Son frère aîné l’avait mis à l’école à Londres ; et ce fût