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VOYAGE DE LA BELGICA.

précis, sinon que ces préoccupations si multiples et si diverses se sont toujours compliquées pour moi de cruels embarras pécuniaires.

Quel mélange hétéroclite, quel bizarre recueil de correspondance mon copie-lettres de cette époque n’offre-t-il point !

Il est vrai qu’Arctowski, Danco et Racovitza, dont le concours dévoué m’était acquis dès 1896, appliquaient, de leur côté, toute leur activité à la préparation de ce qui les concernait. Mais nous étions généralement éloignés les uns des autres, et comme je n’avais pas de secrétaire — les modestes ressources de l’expédition ne me permettant pas ce luxe — et que, d’autre part, je n’eus que beaucoup plus tard la bonne fortune d’associer Lecointe à mon entreprise, j’étais seul à représenter « l’administration centrale ».

J’achèverai de donner une idée de la minutie qu’il faut apporter aux moindres détails d’organisation, en notant ici un tout petit détail, à la fois plaisant et caractéristique.

Je désirais emporter des pâtes alimentaires ; mais lesquelles choisir ? Du macaroni ? Des nouilles ? Peu importe, pensez-vous — et je fus d’abord tenté de penser de même. Pourtant, avec un peu de réflexion, je m’avisai que le macaroni est rond et creux, tandis que les nouilles sont plates et pleines. Donc, le macaroni devait être écarté, comme tenant plus de place. Et, en effet, avec 16 caisses de nouilles, j’eus l’équivalent en poids de 24 caisses de macaroni…

Le 19 juin 1897 la Belgica reçut la visite de Fridtjof Nansen. Ce jour-là, un banquet nous réunit chez M. Bryde, le correspondant de l’Expédition en Norvège ; ce fut le grand explorateur qui me porta le toast d’adieu.

Une semaine plus tard, le 26 juin, l’ancienne Patria quitta enfin Sandeljord et, après une relâche à Frederikshavn pour embarquer des vivres et divers instruments, elle arriva le 5 juillet à Anvers.

La première des nombreuses difficultés qui m’y attendaient fut plutôt comique. J’avais, pour lester le navire dont le chargement ne devait être complété qu’en Belgique, fait remplir d’eau 12 caissons en tôle, bien que 4 seulement fussent destinés à la provision d’eau. À Anvers, il fallut donc en vider 8 pour y arrimer du charbon. L’équipage était encore incomplet ; nous avions de la besogne plein les bras. Le commandant des pompiers m’offrit l’assistance de ses hommes et j’eus la malencontreuse idée d’accepter. Il y avait quelques badauds sur le quai ; ils virent les pompiers vidant la cale de la Belgica : quelques heures après le bruit se répandait que mon navire faisait eau de toutes parts. La rumeur en parvint en haut lieu ; elle trouva de l’écho au Parlement, et on prétendit faire entrer la Belgica en cale sèche, pour visiter ses fonds. Heureuse-