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Page:De Gerlache - Le premier hivernage dans les glaces antarctiques, 1902.djvu/19

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DU NORD AU SUD.

Une distribution de vin et de tabac à l’équipage, un concert, une audition du phonographe complètent la fête.

Nous fîmes ainsi joyeusement notre entrée dans l’hémisphère austral.

Le 15 octobre, nous commençons à faire la toilette de notre petit navire en vue de l’arrivée à Rio-de-Janeiro. La Belgica étant le premier bâtiment belge qui entrera dans ce port, depuis des années, c’est bien le moins qu’il fasse bonne figure, et que nos compatriotes établis là-bas n’aient pas à rougir de nous. Aussi tirons-nous tout le parti possible des quelques pots de couleur dont nous disposons. Il était deux heures de l’après-midi, le 22, lorsque nous pénétrâmes dans la rade de Rio, une des plus merveilleuses du monde.

Une lettre de crédit, qu’on me remit dès l’arrivée et sans laquelle nous restions en panne, m’apprit que l’administration avait enfin déposé chez mes correspondants d’Anvers le montant du second subside gouvernemental.

… La réception que l’on nous fit à Rio restera à jamais dans mon souvenir. Je remplirais un chapitre entier rien qu’à résumer les nombreuses et touchantes marques de sympathie qui nous furent prodiguées pendant les huit jours que dura notre escale, aussi bien par les autorités, la population et le monde savant brésiliens que par les membres de la colonie belge.

Notre ministre, le comte van den Steen de Jehay, prit la peine de nous accompagner dans toutes nos courses et démarches et réunit à sa table, en notre honneur, les ministres et chargés d’affaires étrangers. Le Président de la République nous accorda une audience privée. L’Institut d’Histoire et de Géographie nous admit au nombre de ses membres, nous reçut en une séance extraordinaire et nous exprima en d’inoubliables termes les vœux les plus ardents pour le succès de notre entreprise.

Les marques de sympathie ne se bornèrent pas là : les arsenaux de la Marine furent mis à notre entière disposition et, quant à nos compatriotes, ils allèrent jusqu’à vouloir solder de leurs deniers toutes les petites dépenses que l’Expédition avait été forcée de faire, et dont le total s’élevait à près de deux mille francs.

Presque tous les Belges habitant Rio-de-Janeiro vinrent à bord et m’exprimèrent la joie qu’ils ressentaient à voir enfin, sur la rade, le pavillon national. Quelques-uns étaient tout heureux de parler avec nous wallon ou flamand ; la Belgica était pour eux comme un coin de la patrie retrouvé.

Cependant, le samedi 30 octobre, il fallut partir. La Belgica fut escortée par trois petits vapeurs pavoisés : celui de la Compagnie