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VOYAGE DE LA BELGICA.

… Les régions polaires avaient de bonne heure exercé leur fascination sur mon âme de voyageur.

En 1891 — j’avais 25 ans — ayant appris que Nordenskjöld, l’illustre explorateur arctique, projetait une nouvelle expédition, dirigée cette fois vers l’Antarctide, je lui écrivis pour lui demander de servir à son bord. J’attendis vainement une réponse. Si j’avais pu garder quelque rancune au grand voyageur, ce sentiment se serait dissipé quand j’eus expérimenté personnellement quelle quantité d’offres de service on reçoit en pareil cas.

Cependant, une idée d’abord vague était née, puis s’était précisée dans mon esprit : pourquoi n’entreprendrais-je pas moi-même, de ma propre initiative, un voyage de découvertes dans la zone antarctique, si peu connue ?… En 1894, mon plan était fait. Au mois de septembre, je me hasardai à le confier à quelques membres de l’Académie Royale de Belgique et de la Société Royale de Géographie de Bruxelles. Leur concours me fut tout de suite acquis.


Il me fallait de l’argent, un navire et un personnel.

Où les trouver ?

Pour rendre mon projet réalisable et pour lui donner quelque chance d’aboutir, je devais limiter au strict nécessaire le budget de mes dépenses. C’est dans cet esprit que fut dressé mon devis qui s’élevait à 300 000 francs en chiffres ronds, somme bien modeste si on la compare aux prévisions d’autres expéditions projetées ailleurs à la même époque et qui n’ont été réalisées que six ans plus tard.

Elle était modeste, cette somme, et combien pourtant elle fut difficile à réunir !

En janvier 1896, s’ouvrit à Bruxelles, sous les auspices de la Société Royale de Géographie, une souscription nationale en faveur de l’Expédition.

Déjà un an auparavant, un industriel belge, généreux autant que riche, M. Ernest Solvay, — avais-je besoin de le nommer pour qu’on le reconnût ? — m’avait promis de coopérer pour 25 000 francs aux frais de l’entreprise. Inscrite en tête des listes, cette souscription constitua une belle « étrenne ». Une telle sanction matérielle, apportée à mon projet par un Mécène aussi éclairé, entraîna le succès.

Grâce au concours des comités de propagande qui s’étaient constitués à Anvers, à Liège, à Gand, à Louvain, pour seconder la Société de Géographie dont l’action s’exerçait surtout à Bruxelles, grâce aussi à l’appoint fourni par des fêtes militaires, des concerts, voire des ascensions de ballons, grâce encore au concours de