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DÉLIVRANCE.

Nous forons alors des trous çà et là et nous constatons que le canal n’est exécutable qu’en suivant un chenal qui s’est ouvert en mai et refermé par congélation, et où la glace n’a pas plus d’un mètre d’épaisseur. Toutefois, Fig. 1
Fig 1.
pour rejoindre ce chenal, nous devrons, sur une longueur de cent mètres, traverser une zone épaisse de deux mètres (fig. 1).

Le tracé que nous adoptons est deux fois coudé ; le bord intérieur aura une longueur de 676 mètres ; le bord extérieur en aura 700. Ce tracé présente l’inconvénient grave d’aboutir à l’arrière du navire. Il faudra donc faire machine arrière et présenter au choc des glaces deux organes essentiels, l’hélice et le gouvernail. Mais nous n’avons pas le choix, et, sans retard, nous nous remettons tous à la besogne.

Les distances hiérarchiques sont abolies ; divisés en deux bordées, trois semaines durant, tous nous manions, jour et nuit, la pioche et la scie.

Nous détachons la glace par grandes plaques que nous évacuons Fig. 2
Fig 2.
ensuite dans la clairière.

Ce travail est des plus pénibles. Quand il n’est pas contrarié par le mauvais temps ou par la gelée, c’est la réverbération du soleil sur la nappe blanche qui nous fatigue les yeux, nous occasionne des éblouissements…

Pendant que sans relâche, et sans défaillance, nous poursuivons ce travail titanesque, la dérive, si hésitante jusque-là, a pris une direction nettement déterminée : navire, champ de glace, canal, clairière, tout se transporte de l’Est à l’Ouest…

Un jour un oiseau des tempêtes vient nous visiter, c’est le premier que nous voyons depuis que nous sommes bloqués. Peut-être nous annonce-t-il la proximité de la mer libre et pouvons-nous

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