Page:De Gobineau - La Troisième République française et ce qu'elle vaut, 1907.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 123 —

donner à de telles dispositions ce qui s’appelle estime. On a tout enduré de Paris jusqu’à ce jour, précisément parce qu’on est honnête et tranquille ; mais on est bien fatigué de cette ruineuse mansuétude. On est fort enchanté d’être Français ; mais, au fond, on ne serait pas fâché non plus d’être Picard et un instinct naturel avertit que si on l’était, on serait, pour la première fois depuis qu’il existe une administration, on serait libre et, politiquement parlant, en bonne santé.

Les intérêts que l’on peut avoir et qui composent le fond et la sécurité de la vie, se traitent à Paris ; les enfants qui ont ou auxquels on suppose quelque mérite, il faut les envoyer à Paris ; les plaisirs c’est Paris qui les donne et tout ce qu’on a besoin de savoir, c’est Paris qui s’est chargé de l’apprendre. Certainement les Américains du Nord peuvent passer pour des démocrates accomplis, même à la mode moderne, mais quel est celui d’entr’eux résidant dans le Kentucky, l’Alabama ou le Missouri, qui viendrait consentir une minute à voir emmagasiner ainsi toutes ses ressources physiques et morales dans les rues de New-York ? Qu’on lui en fasse la proposition ; il vous répondra pertinemment qu’avec un pareil régime, il lui serait impossible de fonder en trente ans les grandes capitales dont il a couvert l’ouest du Nouveau Monde et qu’il s’explique bien, que nous stérilisant de la sorte, nous n’ayons jamais pu parvenir à faire de l’Algérie autre chose qu’un nid de fonctionnaires.

Hélas ! C’est aussi et uniquement ce que sont les provinces et la France est arrivée au bout du système centralisateur, elle en sent aujourd’hui les dernières conséquences. Si elle veut reprendre de la vie, il faut