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CHAPITRE Ier.


La République, en France, a ceci de particulier, que personne n’en veut et que tout le monde y tient.

Les républicains n’en veulent pas et, en cela, ils ont grand raison, car ce n’est pas une république. C’est une monarchie parlementaire dont le chef possède un peu plus d’autorité et pourrait mettre en jeu beaucoup plus d’action que le souverain de 1830 n’eût eu le droit de le faire. Puis, la démocratie ne jouit nullement des avantages de ce règne interlope ; c’est la classe nouvelle dont on n’a pas encore assez remarqué l’éclosion, la formation, la floraison ; qui n’est plus du tout la bourgeoisie, encore bien moins la noblesse, mais qui, dans un pêle-mêle indigeste de fonctionnaires, d’industriels, de spéculateurs, d’agioteurs, de tripotiers de tous les calibres, de ducs, de gens du monde, d’élégants avec ou sans fortune, et sous le nom de classe éclairée, et avec une pénurie lamentable de vues, de principes, de tendances pouvant mener à quoique ce soit d’utile, et la plus glorieuse ignorance en toutes branches de pensées, se considère modestement comme le précipité brillant, précieux, incomparable que les révolutions successives ont raffiné et offert au monde. Franchement, ce qui se dit démocrate n’a pas tort de répudier ces supériorités-là ; mais elles, de leur côté, sont excusables de ne pas aimer la République.

Ne méconnaissons pas l’évidence : d’ailleurs, à le risquer, on ne leur ferait pas plaisir : elles se prennent pour une aristocratie et voudraient fonder les privilèges dont elles sont très réellement investies à l’heure qu’il est, sur

Gobineau, La troisième République.
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