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barricades, et on eut soin de ne pas l’attaquer avant qu’il fût prêt. Il tira le premier coup de feu ; il n’avait devant lui que de la garde nationale, peu de troupes (on les avait écartées pour lui rendre la partie plus belle) et quinze bataillons mobiles, la chair de sa chair, ses frères, ses enfants, qui devaient passer à lui et ajouter à l’isolement des autres le coup de tonnerre d’une défection. À la chaude, il tira sur ces auxiliaires, les fâcha, c’en fut assez pour le perdre et il fut perdu.

En 1870, que pouvait-il souhaiter ? On lui laissa même Paris et les mûrs d’enceinte et les forts et si le Mont-Valérien lui manqua, ce fut, certes, par accident. Mais, à défaut de ce dernier atout, dans ses mains il tenait, tous les autres. Jamais, en aucun temps, dans aucun pays, Bagaudes et Jacques ne furent pourvus de si belle sorte. Par-dessus le marché, l’étranger vainqueur, témoin du duel, regardant de tous ses yeux et jugeant des coups. La démocratie ne s’était assurément pas piqué ces jours-là du patriotisme dont elle a tant perfectionné les clabauderies.

Contre elle se tenaient des débris d’armée, des régiments mal cousus, que menait tant bien que mal un corps d’officiers dont tous les éléments étaient loin de mériter également la confiance et la discipline, elle était en guenilles. Les habitants de Versailles, témoins naguères de la tenue des troupes allemandes, contemplaient maintenant d’un œil morne les soldats français parcourant leurs rues et voies mortes, roulant sur les trottoirs. Pour ramener à eux-mêmes ces malheureux auxquels une poignée de gendarmes et un bien petit nombre de vrais porteurs d’uniformes donnaient sans grand succès l’exemple, que ne fallait-il pas faire ? Que ne fallait-il pas souffrir ! Que