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Page:De La Nature.djvu/136

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a mis peu du sien dans tout ce qu’ils ont fait pour établir leurs liens. Pour en venir à ce reproche injuste il a fallu abrutir l’espece humaine, étouffer sa raison, engourdir son entendement, anéantir ses plus nobles facultés.

J’en conviens, la réunion de plusieurs n’a pas eu pour principe leur misere originelle, l’insuffisance des particuliers, ni le desir d’un état meilleur. Chaque animal a autant d’industrie qu’il lui en faut. L’homme sauvage a moins de besoins que l’homme civil, & les contente plus aisément. Ses desirs ne s’étendent point au-delà de son bien-être présent. Il a moins de plaisirs que nous, parce qu’il n’a pas tant de miseres. L’innocence de ses mœurs compense la brutalité de sa vie. Il n’a ni religion, ni fanatisme. Il ignore le vice & ses remords secrets, la vertu & la pure satisfaction qui l’accompagne. En un mot il ne differe presque pas des ours & des lyons : il n’a guere que leurs biens & leurs maux, parce que la nature ne l’a pas élevé beaucoup au dessus d’eux. Elle ne lui a donné que l’esprit & la raison des brutes.

Mais il y a un homme sociable, doué d’une perfectibilité de raison, d’un esprit actif & très-étendu ; double prérogative qu’il tient de la nature. La société est le produit nécessaire du développement de ces facultés