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Page:De La Nature.djvu/155

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Les moyens de subsister diminuent en même raison que le nombre des bouches augmente. N’envisageons point cet inconvénient dans l’avenir. Où en seroient réduits les hommes d’aujourd’hui, si la nature ne s’étoit pas réservé ces grands moyens de destruction, tels que la peste & la guerre ? À l’extrémité affreuse de se décimer, comme il est arrivé quelquefois sur des vaisseaux retenus en mer par un calme opiniâtre, lorsque les vivres ont manqué. Il en coûte bien moins à l’humanité de tuer un ennemi dans la chaleur d’une action, que d’égorger de sang-froid un parent ou un ami, afin de se repaître de ses membres sanglans. Si les hommes s’accoutument par nécessité à tuer leurs semblables, comme nos bouchers assomment des bœufs, que deviendra la commisération naturelle, ce sentiment impérieux qui veille contre les méchans, dans eux & malgré eux ? Tirons le voile sur le carnage & la confusion qui en résulteroient, mille fois plus horribles que les calamités dont l’Europe gémit.

Je ne dirai point que les grandes familles s’applaudissent de la guerre qui les illustre. C’est pour elles une ressource assurée, sur-tout parmi la noblesse allemande qui n’a point d’autre métier, & la noblesse françoise qui n’en veut point avoir d’autre. La dureté & l’orgueil des nobles croissant à chaque quartier