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Page:De La Nature.djvu/163

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lui parle vérité, ce sera un heureux préjugé. Qu’un pédant lui débite gravement des faussetés, il s’y laissera aller avec la même confiance. Ce seroit mal raisonner que de vouloir qu’une opinion fût fausse, parce que c’est un préjugé de l’enfance, qu’on a succé avec le lait & adopté sans connoissance de cause. Il y a bien peu de vérités générales dont on n’entende parler avant d’être en état d’examiner les fondemens de cette science nourriciere. Je ne prétends donc pas qu’il faille les rejetter pour cela dans un âge plus mûr. Il convient au contraire de soumettre ces préjugés à un examen sévere, puis y adhérer, s’ils se trouvent confirmés par une ou plusieurs des trois régles de certitude dont nous avons parlé, ou les nier s’ils y répugnent. Or je ne sais combien de circonstances forment en nous l’habitude de juger de tout sur la foi d’autrui, de notre imagination, de nos passions, de notre ignorance même.

Toutes ces choses engendrent de faux préjugés que l’esprit substitue commodément à ses principes de connoissance sûrs & pénibles. Préjugés de l’éducation, des sens, de l’imagination, des passions, de l’ignorance : ces sources d’erreurs sont dans la nature, & elles y seroient inutiles, si elles n’avoient pas leur effet. Elles sont dans la nature comme