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Page:De La Nature.djvu/215

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corromproient le suc, & passeroient avec lui dans les grains, les fruits & les herbages qui nous servent de nourriture. Si donc il n’y avoit ni insectes ni reptiles venimeux, si seulement ils avoient moins de venin, l’air que nous respirons seroit moins pur, & les productions de la terre moins salubres. Par-tout un bien de plus est la semence d’un nouveau mal : toujours en ôtant un mal on supprime un bien.

La sphere de l’entendement humain n’a qu’une certaine étendue : tous les esprits n’ont pas la même capacité, il y en a de si bornés qu’ils ont fait douter s’ils appartenoient à l’espece. Où seroit le mal, dira-t-on, que ceux-ci eussent un peu plus d’industrie, de jugement, de raison ? Les négres qu’on achete à la côte d’or n’ont que la force & la stupidité requises pour défricher une habitation : ils n’ont que le goût du travail le plus dur. Qui leur donneroit un sens moins grossier, plus de connoissance & de jugement, leur feroit-il un présent funeste ? Oui sans doute. Leur condition leur deviendroit bientôt insupportable. Voudroient-ils s’occuper d’un travail bas & pénible, s’ils avoient le sentiment d’un meilleur sort & assez d’industrie pour se le procurer ? Dans le désespoir de sortir autrement de l’état d’avilissement où ils sont, il n’y auroit rien qu’ils n’entreprissent contre leurs maîtres.