JE CANADA ENTRE EN GUERRE 21
garder leur degré de civilisation qu’en se groupant autour des prêtres et des établissements religieux. Et ces maîtres n’ont d'autre chance de durer qu’en fortifiant l’âme de cette mino- rité, en Jui donnant le sel de l’enseignement chrétien.
De cette alliance est résultée une discipline morale et fami- liale que les cousins de France n’ont guère adoptée chez eux au cours du xIx°. Et avec elle sont nées des vertus marquées par la persistance dans l'effort, la mesure dans l’ambition, la confiance dans la Providence, qui, à défaut d'actions écla- tantes, permettent à un peuple de planter solidement ses racines dans la terre.
Ainsi peut-on expliquer la belle poussée du rameau cana- dien français. Elle est tout à l’honneur du paysan de chez nous — qu’il soit Normand, Picard ou Poitevin — cet homme dont on a si souvent et si injustement dépeint les défauts. Rappe- lez-vous... rapace, borné, terre-à-terre. Il me semble qu'il a conquis sur le sol canadien un beau brevet d’idéalisme.
Et aujourd’hui encore, il poursuit cette ascension. On sait que la presque totalité des Canadiens français habitent la pro- vince de Québec, cette province dont le territoire est trois fois grand comme la France. Eh ! bien, c’est là que s’épanouit la vie intellectuelle et spirituelle du pays tout entier. C'est là que les Universités sont le plus développées, les carrières libé- rales le plus activement préparées. Des médecins, des profes- seurs, des avocats, des fonctionnaires, telles sont les grandes artères où circule la sève franco-canadienne. Ne prononçons pas le mot d'élite, car je ne crois pas que la grandeur d’un peuple vienne d’une élite, mais bien de ses élites, c'est-à-dire de la formation d’esprits de valeur dans toutes les catégories. Cependant on voit comment l'héritage français peut, au Canada, opposer une digue à la conception américaine de la vie, à l’affairisme, à cette espèce de mouvement perpétuel qui est devenu la doctrine du Nouveau Monde.
