Page:De Lamennais - Paroles d'un croyant, 1838.djvu/143

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Ces arbres sont beaux, ces fleurs sont belles ; mais ce ne sont point les fleurs ni les arbres de mon pays : ils ne me disent rien. L’exilé partout est seul.

Ce ruisseau coule mollement dans la plaine ; mais son murmure n’est pas celui qu’entendit mon enfance : il ne rappelle à mon âme aucun souvenir. L’exilé partout est seul.

Ces chants sont doux, mais les tristesses et les joies qu’ils réveillent ne sont ni mes tristesses ni mes joies. L’exilé partout est seul.

On m’a demandé : Pourquoi pleurez-vous ? et quand je l’ai dit, nul n’a pleuré ; parce qu’on ne me comprenait point. L’exilé partout est seul.

J’ai vu des vieillards entourés d’enfants, comme l’olivier de ses rejetons ; mais aucun de ces vieillards ne m’appelait son fils, aucun de ces enfants ne m’appelait son frère. L’exilé partout est seul.

J’ai vu des jeunes filles sourire, d’un sourire aussi pur que la brise du matin, à celui que leur amour s’était choisi pour époux ; mais pas une ne m’a souri. L’exilé partout est seul.

J’ai vu des jeunes hommes, poitrine contre poitrine, s’étreindre comme s’ils avaient voulu de deux vies ne faire qu’une vie ; mais pas un ne m’a serré la main. L’exilé partout est seul.

Il n’y a d’amis, d’épouses, de pères et de frères que dans la patrie. L’exilé partout est seul.

Pauvre exilé ! cesse de gémir ; tous sont bannis