Page:De Lamennais - Paroles d'un croyant, 1838.djvu/15

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Je vois un troisième peuple sur lequel six rois ont mis le pied, et toutes les fois qu’il fait un mouvement, six poignards s’enfoncent dans sa gorge.

Je vois sur un vaste édifice, à une grande hauteur dans les airs, une croix que je distingue à peine, parce qu’elle est couverte d’un voile noir.

Fils de l’homme, que vois-tu encore ?

Je vois l’Orient qui se trouble en lui-même. Il regarde ses antiques palais crouler, ses vieux temples tomber en poudre, et il lève les yeux comme pour chercher d’autres grandeurs et un autre Dieu.

Je vois vers l’Occident une femme à l’œil fier, au front serein ; elle trace d’une main ferme un léger sillon, et partout où le soc passe, je vois se lever des générations humaines qui l’invoquent dans leurs prières et la bénissent dans leurs chants.

Je vois au Septentrion des hommes qui n’ont plus qu’un reste de chaleur concentré dans leur tête, et qui l’enivre ; mais le Christ les touche de sa croix, et le cœur recommence à battre.

Je vois au Midi des races affaissées sous je ne sais quelle malédiction : un joug pesant les accable, elles marchent courbées ; mais le Christ les touche de sa croix, et elles se redressent.

Fils de l’homme, que vois-tu encore ?

Il ne répond point : crions de nouveau.

Fils de l’homme, que vois-tu ?

Je vois Satan qui fuit, et le Christ entouré de ses anges, qui vient pour régner.