Page:De Lamennais - Paroles d'un croyant, 1838.djvu/39

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de la charité, et la charité, qui est la consommation de la justice.

Or, la justice commande de respecter le droit d’autrui, et quelquefois la charité veut que l’on abandonne le sien même, à cause de la paix ou de quelque autre bien.

Que serait le monde, si le droit cessait d’y régner, si chacun n’était en sûreté de sa personne, et ne jouissait sans crainte de ce qui lui appartient ?

Mieux vaudrait vivre au sein des forêts, que dans une société ainsi livrée au brigandage.

Ce que vous prendrez aujourd’hui, un autre vous le prendra demain. Les hommes seront plus misérables que les oiseaux du ciel, à qui les autres oiseaux ne ravissent ni leur pâture ni leur nid.

Qu’est-ce qu’un pauvre ? C’est celui qui n’a point encore de propriété.

Que souhaite-t-il ? De cesser d’être pauvre, c’est-à-dire d’acquérir une propriété.

Or, celui qui dérobe, qui pille, que fait-il, sinon abolir, autant qu’il est en lui, le droit de propriété ?

Piller, voler, c’est donc attaquer le pauvre aussi bien que le riche ; c’est renverser le fondement de toute société parmi les hommes.

Quiconque ne possède rien, ne peut arriver à posséder que parce que d’autres possèdent déjà ; puisque ceux-là seuls peuvent lui donner quelque chose en échange de son travail.