Page:De Lamennais - Paroles d'un croyant, 1838.djvu/47

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Parce que chacun de vous n’aime que soi, parce qu’il se sépare de ses frères, parce qu’il est seul et veut être seul, sa plainte n’est point entendue.

Au printemps, lorsque tout se ranime, il sort de l’herbe un bruit qui s’élève comme un long murmure.

Ce bruit, formé de tant de bruits qu’on ne les pourrait compter, est la voix d’un nombre innombrable de pauvres petites créatures imperceptibles.

Seule, aucune d’elles ne serait entendue : toutes ensemble, elles se font entendre.

Vous êtes aussi cachés sous l’herbe, pourquoi n’en sort-il aucune voix ?

Quand on veut passer une rivière rapide, on se forme en une longue file sur deux rangs, et, rapprochés de la sorte, ceux qui n’auraient pu, isolés des autres, résister à la force des eaux, la surmontent sans peine.

Faites ainsi, et vous romprez le cours de l’iniquité, qui vous emporte lorsque vous êtes seuls et vous jette brisés sur la rive.

Que vos résolutions soient lentes, mais fermes. Ne vous laissez aller ni à un premier, ni à un second mouvement.

Mais si l’on a commis contre vous quelque injustice, commencez par bannir tout sentiment de haine de votre cœur, et puis, levant les mains et les yeux en haut, dites à votre père, qui est dans les cieux :

Ô Père, vous êtes le protecteur de l’innocent et