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SOUVENIRS D’UN GARIBALDIEN.

bouillage indécis de bleu, de jaune, de vert et de rouge, fidèle image des partis qui se divisaient ce malheureux pays.

Je n’avais pas déjeuné et il fallait m’approcher du restaurant assailli par une foule compacte de francs-tireurs, mobiles et réguliers.

Traverser cette fourmilière n’était pas chose commode. Je devais faire une trouée au milieu de tous ces soldats improvisés. Or, improviser des soldats est plus facile qu’improviser un déjeuner. Ugolin en a su quelque chose.

Au comptoir trônaient, comme les trois grâces, trois jeunes filles ; blonde, rousse et brune. Pour obtenir un morceau de pain, il fallait recourir à l’une d’elles, la conjurer, l’attendrir, et souvent partir avec la sacoche vide en se contentant de ces mots : « Il n’y a plus rien, Monsieur, » prononcés d’une façon toute gracieuse.

Le buffet ressemblait à un château pris d’assaut et démantelé. On n’y voyait qu’assiettes et bouteilles vides, comme si l’ennemi eût déjà passé par là. En empruntant le style de Victor Hugo, on aurait pu dire que c’étaient les fian-