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Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/124

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rendit à la métairie. Là, chaque détail le ravissait : le bruit du lait tombant dans le seau, sa belle vache favorite languedocienne, les grognements maternels d’une énorme truie venant de mettre bas, la crème jaune des barattes et le parfum de miel des ruches bourdonnantes.

Le More eut un sourire heureux : en vérité, sa maison était une coupe pleine. Il revint au palais et s’assit dans la galerie pour se reposer. Le crépuscule tombait. Des bords du Ticcino parvenait une odeur d’herbes humides. Le duc embrassa d’un lent coup d’œil ses domaines : les pâturages, les champs arrosés par un réseau de canaux, entourés de fossés, bordés régulièrement par des pommiers, des poiriers, des mûriers, réunis par des guirlandes de vigne vierge. De Mortara à Abbiategrasso et même plus loin, jusqu’aux confins du ciel où scintillait la cime neigeuse du mont Rose, l’énorme plaine de la Lombardie prospérait comme le paradis de Dieu.

— Seigneur ! soupira humblement le duc en levant les yeux vers le ciel, je te remercie !… Que faut-il encore ? Jadis un désert inculte s’étendait ici. Moi et Léonard nous avons creusé ces canaux, amendé toute cette terre, et maintenant chaque épi, chaque brin d’herbe me remercie, comme je te remercie, Seigneur !

Dans le calme du soir, les aboiements des chiens, les cris des chasseurs retentirent, et de derrière les buissons émergea le leurre rouge flanqué d’ailes de perdrix – appât des faucons.