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Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/224

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Sa fierté et son but ne sont pas dans le clinquant, mais tendent à accomplir dans son tableau un miracle : à l’aide de l’ombre et de la lumière, rendre en relief ce qui est plat. Celui qui, méprisant l’ombre, la sacrifie aux couleurs ressemble à un bavard qui sacrifie la pensée à des mots sonores et creux. »

« Plus que de toute autre chose méfie-toi des contours grossiers et durs. Que les extrémités de tes ombres sur un corps jeune et délicat ne soient ni mortes ni brutales, mais légères, insaisissables, transparentes comme l’air, car le corps humain par lui-même est transparent ; tu peux t’en convaincre en présentant ta main au soleil. Une lumière trop vive ne donne pas de belles ombres. Méfie-toi du jour trop cru. Au crépuscule ou par le brouillard, lorsque le soleil est encore voilé par les nuages, remarque le charme et la délicatesse des visages des hommes et des femmes qui passent par les rues ombreuses, entre les murs noirs des maisons – quanta grazia e dolcezza si vede in loro. C’est le plus parfait éclairage. Que ton ombre, petit à petit disparaissant dans la lumière, fonde comme la fumée, comme les sons d’une douce musique. Rappelle-toi : entre la lumière et l’obscurité, il y a un intermédiaire tenant des deux, telle une lumière ombrée, ou un jour sombre. Recherche-le, artiste, dans cet intermédiaire se trouve le secret de la beauté charmeuse ! »