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Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/332

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— Lippo. À la maison… Oh ! que j’ai mal !… que j’ai froid !

Ses paupières se refermèrent. Il balbutia en rêve :


Bientôt, parmi vous, bientôt.
En une beauté nouvelle,
Je reviendrai parmi vous,
Sur l’ordre du duc le More,
Insouciant siècle d’or !


Retirant sa cape de dessus ses épaules, Léonard y enveloppa l’enfant, le plaça sur un fauteuil, alla dans le vestibule, réveilla les domestiques qui avaient profité du désarroi pour s’enivrer et dormaient comme des masses à terre, et apprit de l’un d’eux que Lippo était le fils d’un pauvre veuf, boulanger dans la Broletto Novo, qui moyennant vingt sous avait loué le gamin pour représenter le triomphe, bien qu’on l’eût prévenu que le petit pouvait être empoisonné par la dorure. L’artiste alla rechercher son manteau de fourrure, revint vers Lippo, l’y entortilla soigneusement, et, avec l’intention de passer chez un pharmacien acheter les ingrédients nécessaires pour enlever la dorure et de rapporter l’enfant chez lui, il quitta le palais.

Tout à coup, il se rappela le dessin commencé, la curieuse expression de désespoir sur le visage du duc.

— Cela ne fait rien, songea Léonard, je ne l’oublierai pas. Le principal, les rides au-dessus des sourcils arqués haut, et l’étrange, lumineux et presque enthousiaste sourire sur les lèvres, celui-là même qui rend si ressemblantes les expressions humaines d’incommensurable