siècle d’or est mort avec notre épouse admirable ! Nous l’avons enterré avec Béatrice, car il ne pouvait et ne voulait lui survivre ! Mon ami, n’est-ce pas ? quelle étrange coïncidence ! quelle superbe allégorie !
XI
Toute une année s’écoula dans un deuil sévère. Le duc ne quittait pas ses vêtements noirs déchiquetés et, sans s’asseoir à table, mangeait sur une planche que tenaient devant lui des chambellans. « Après la mort de la duchesse, écrivait dans ses Lettres secrètes Marino Sanuto, ambassadeur de Venise, le More est devenu dévot, suit tous les offices, jeûne, vit dans la continence – du moins on le dit – et dans toutes ses pensées a une sainte crainte de Dieu. » Dans la journée, préoccupé par les affaires de l’État, le duc se trouvait distrait, bien que là encore Béatrice lui manquât. Mais, la nuit, l’ennui le rongeait doublement. Souvent il voyait en rêve Béatrice à l’âge de seize ans, époque de son mariage, autoritaire, vive comme une écolière, maigre, basanée tel un gamin, si sauvage qu’elle se cachait dans les armoires afin de ne pas paraître aux réceptions solennelles, si vierge que, durant trois mois après leurs épousailles, elle se défendait