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Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/411

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d’Assise affirmait que l’ennui était le pire vice et que celui qui voulait plaire à Dieu devait toujours être gai. Buvons à la sagesse de saint François, à l’éternelle gaieté céleste.

Tous s’étonnèrent quelque peu. Mais Giovanni comprit ce qu’avait voulu exprimer le maître.

— Eh ! maître ! dit Astro en secouant la tête. Vous parlez de gaieté ; quelle gaieté pouvons-nous avoir tant que nous rampons sur la terre, comme des vers de sépulcre ? Que les autres boivent à ce qui leur plaira ; moi, je bois aux ailes humaines, à la machine volante ! Quand les hommes ailés atteindront les nuages, là commencera la gaieté. Et que le diable emporte les lois de pesanteur, la mécanique, qui nous gênent.

— Non, mon ami, sans mécanique tu ne volerais pas loin, interrompit le maître en riant.

Lorsque tous se séparèrent, Léonard retint Giovanni, lui installa son lit près du feu, et ayant recherché un dessin en couleurs le donna à son élève.

Le visage de l’adolescent représenté sur ce dessin semblait si connu à Giovanni qu’il le prit d’abord pour un portrait. Il y retrouvait une ressemblance avec Savonarole en sa jeunesse et avec le fils du riche usurier de Milan détesté de tous, le vieil israélite Barucco – maladif et rêveur enfant de seize ans –, plongé dans la secrète sagesse de la Cabale, élève des rabbins qui voyaient en lui une des futures lumières de la Synagogue.