de ces lointains ondés avec des ailes géantes. Ici, les ailes paraissaient naturelles, nécessaires, et de ne pas en avoir inspirait la crainte et l’étonnement comme chez un homme subitement privé de l’usage de ses jambes.
Léonard se souvint comme, lorsqu’il était enfant, il suivait le vol des cigognes, comme il ouvrait en cachette les cages de son grand-père et donnait la liberté aux étourneaux et aux fauvettes, admirant la joie des prisonniers délivrés ; de même, il se rappela le récit du moine maître d’école au sujet du fils de Dédale, Icare, qui voulut voler à l’aide d’ailes en cire et s’était tué en tombant. Et plus tard, le maître lui ayant demandé quel était le plus grand héros de l’Antiquité, il avait répondu sans hésitation : « Icare, fils de Dédale. » Et sa joie, lorsqu’il avait aperçu, sur le campanile du clocher de la cathédrale florentine, Santa Maria del Fiore, parmi les bas-reliefs de Giotto représentant tous les arts et toutes les sciences, un homme risible, disgracieux, le mécanicien Dédale, de la tête aux pieds couvert de plumes. Il avait aussi une autre réminiscence de sa première enfance, de celles qui pour les autres paraissent stupides, mais, pour celui qui les garde dans son âme, pleines de prophétique mystère comme des rêves fatidiques.
« Je dois parler du milan – c’est ma destinée – écrivait-il dans son journal, car je me rappelle que dans mon enfance j’ai eu un rêve. J’étais couché dans mon berceau, un milan est arrivé près de moi et m’ouvrit les lèvres, et à plusieurs reprises y glissa ses plumes