renverserait un roc et non pas seulement un détachement de votre infanterie romaine !
— Ce sont des sophismes ! s’échauffait messer Nicolo. Vous vous égarez. Comment pouvez-vous discuter contre l’évidence ? Si vous songiez seulement qu’avec une poignée de fantassins Lucullus a mis en déroute cent cinquante mille cavaliers, parmi lesquels se trouvaient des cohortes identiques à vos escadrons de chevaliers français.
Curieusement, Léonard regarda cet homme qui parlait des victoires de Lucullus comme s’il les avait de ses propres yeux vues.
L’inconnu était vêtu d’une longue robe de drap rouge, de forme majestueuse, avec des plis droits, telle que les portaient les importants hommes d’État de la République florentine, notamment les secrétaires d’ambassade. Mais cette robe avait un aspect usé ; à certains endroits apparaissaient des taches. Les manches luisaient. À en juger par le col de la chemise, le linge était d’une propreté douteuse. Ses mains, grandes et noueuses, avec sur le médius le durillon habituel aux gens qui écrivent beaucoup, étaient noircies d’encre. Il y avait peu de prestance dans cet homme de quarante ans environ, maigre, étroit d’épaules, aux traits extrêmement mobiles et étranges. Parfois, durant une conversation, levant son nez long et plat, redressant sa petite tête, plissant les yeux et avançant la lèvre inférieure, regardant par-dessus la tête de l’interlocuteur, il ressemblait à un oiseau qui fixe un objet lointain, tout aux aguets, le cou tendu. Dans ses mouvements