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Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/525

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par un aimable sourire qui la rendit plus hideuse encore :

— Messer Nicolo ! Que d’années, que d’hivers ! Jamais je n’aurais rêvé que je vous rencontrerais…

Machiavel s’excusa auprès de l’artiste et invita monna Aldrigia à se rendre à la cuisine où ils bavarderaient et se rappelleraient le bon vieux temps.

Mais Léonard l’assura qu’ils ne le gênaient aucunement et, ayant pris un livre, s’assit à l’écart. Nicolas appela un valet et ordonna d’apporter du vin, sur le ton du plus important seigneur de l’auberge.

Monna Aldrigia oublia le lapin, messer Nicolo, Tite-Live, et devant le pichet de vin ils se prirent à causer comme de vieux amis.

Finalement, monna Aldrigia parla de sa jeunesse : elle aussi avait été belle et courtisée ; on exauçait toutes ses fantaisies, et que n’avait-elle pas imaginé ! Une fois à Padoue, dans la sacristie, elle avait retiré la mitre de la tête d’un évêque pour la poser sur celle de sa sainte patronne. Mais, avec les ans, la beauté avait fui et avec elle les adorateurs ; elle fut forcée pour vivre de louer des chambres meublées et de s’établir blanchisseuse. Puis elle tomba malade et dans la misère au point d’aller mendier aux portes des églises pour s’acheter du poison. Mais la Sainte Vierge l’avait sauvée de la mort : par l’entremise d’un vieil abbé, amoureux de sa voisine, monna Aldrigia trouva son chemin de Damas en s’occupant d’un commerce plus lucratif que le blanchissage.

Le récit de la vieille fut interrompu par l’arrivée de