Léonard, profitant de l’occasion, parla de messer Nicolo, sollicita pour lui une audience.
César haussa les épaules en souriant.
— Quel homme étrange, ce messer Nicolo ! Il me demande audience sur audience, et quand je le reçois, nous n’avons rien à nous dire. Et pourquoi m’a-t-on envoyé cet original ?
Il demanda à Léonard son opinion sur Machiavel.
— Je crois, Altesse, que c’est un des hommes les plus intelligents et perspicaces de notre époque, tel que j’en ai rarement rencontré dans mon existence.
— Oui, il a de l’esprit, approuva le duc, il n’est pas bête. Mais on ne peut compter sur lui. C’est un rêveur, une girouette. Il n’a de mesure en rien. Cependant je lui ai toujours souhaité beaucoup de bien, et maintenant que je sais qu’il est de tes amis, je lui en souhaite encore davantage. C’est un homme très bon. Il n’y a en lui aucune malice, quoiqu’il s’imagine être le plus rusé des hommes et qu’il s’évertue à me tromper comme si j’étais l’ennemi de votre République. Cependant je ne lui en veux pas : je comprends qu’il agit ainsi parce qu’il aime sa patrie plus que son âme. Eh bien ! qu’il vienne, puisqu’il le désire aussi ardemment. Dis-lui que je serai content… À propos, ne m’a-t-on pas dit dernièrement que messer Nicolo avait l’intention d’écrire un livre sur la politique ou la science militaire ?
César eut encore une fois son sourire calme et clair, comme s’il venait de se souvenir de quelque chose de joyeux.
— T’a-t-il parlé de sa phalange macédonienne ?