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Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/626

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un coin son livre d’heures, sans lever les yeux, sans prononcer une parole, de telle sorte qu’au bout de trois ans Léonard n’avait pour ainsi dire pas entendu le son de sa voix.

Suivant Camilla, entra celle que tous attendaient, une femme d’une trentaine d’années, vêtue d’une robe sombre très simple, la tête enveloppée dans une gaze transparente qui lui descendait à mi-front, monna Lisa del Gioconda.

Beltraffio savait qu’elle était napolitaine et de très ancienne famille, la fille d’un seigneur très riche, ruiné au moment de l’invasion française en 1495, Antonio Gherardini, et la femme du citoyen florentin Francesco del Giocondo. En 1491, messer Francesco avait épousé la fille de Mariano Ruccellai et la perdit l’année suivante. Il épousa alors Thomasa Villani, et après la mort de celle-ci il prit femme pour la troisième fois, et se maria avec monna Lisa. Lorsque Léonard commença son portrait, l’artiste avait déjà passé la cinquantaine et messer Giocondo avait quarante-cinq ans. C’était un homme ordinaire comme on en rencontre beaucoup et partout, ni trop beau ni trop laid, préoccupé de ses affaires, économe et tout entier adonné à la culture.

L’élégante jeune femme était pour lui l’ornement de sa maison. Mais il comprenait moins le charme de monna Lisa que les qualités d’une nouvelle race de bœufs, ou le bénéfice de l’octroi sur les peaux non tannées. On disait qu’elle ne s’était pas mariée par amour, mais simplement par obéissance filiale,