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Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/637

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ciseau, avec la tension de toute sa force physique, avec une grande fatigue corporelle, comme un journalier inondé de sueur et de poussière. Son visage est blanchi comme celui d’un mitron, ses vêtements sont tachés par les éclats de marbre, sa maison est pleine de pierres et de plâtras. Tandis que le peintre, dans un silence exquis, vêtu d’habits élégants, assis dans son atelier, promène un pinceau léger trempé dans d’agréables couleurs. Sa maison est claire, propre, remplie de ravissants tableaux ; le calme y règne en souverain, et son travail est agrémenté par la musique, la conversation ou la lecture que ne troublent ni les coups de maillet ni autres bruits désagréables.

Michel-Ange, auquel on avait répété ces paroles, les prit à son compte, mais étouffant sa colère, il haussa seulement les épaules et répondit avec un sourire fielleux :

— Messer da Vinci, fils bâtard d’une servante d’auberge, peut poser à l’efféminé et au dégoûté. Moi, rejeton d’une vieille famille honnête, je n’ai pas honte de mon travail et, comme un simple journalier, je ne dédaigne ni ma sueur ni ma saleté. En ce qui concerne la prérogative entre la peinture et la sculpture, la discussion est stupide ; tous les arts sont égaux, découlant d’une même source et tendant au même but. Et si celui qui affirme que la peinture est plus noble que la sculpture est aussi érudit dans les autres branches qu’il se permet de juger, je crains fort qu’il ne s’y connaisse autant que ma cuisinière.

Avec une hâte fébrile, Michel-Ange entreprit son