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Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/639

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peuple, les citoyens considérables ; les artistes, les élèves du Pérugin qui avaient fondé nouvellement un atelier à Florence ; et Buonarotti, en présence du gonfalonier, déclara que les misérables qui criblaient de pierres le David étaient achetés par son rival Léonard.

Beaucoup crurent cette calomnie, ou tout au moins laissèrent supposer qu’ils y ajoutaient foi.

Une fois, durant une séance de la Gioconda, il ne se trouvait dans l’atelier que Giovanni et Salaino – lorsque la conversation vint à tomber sur Michel-Ange, Léonard dit à monna Lisa :

— Il me semble parfois que si je lui parlais face à face, tout s’expliquerait et qu’il ne resterait rien de cette stupide rivalité : il aurait compris que je ne suis pas son ennemi et qu’il n’y a pas d’homme capable de l’aimer comme je l’aurais aimé.

Monna Lisa eut un geste de doute :

— Croyez-vous, messer Leonardo ? Vous aurait-il compris ?

— Oui, répliqua l’artiste. Un homme comme lui ne peut pas ne pas comprendre ! Tout son malheur réside dans sa timidité et son manque de confiance : il se martyrise, il jalouse, il a peur, parce qu’il ignore encore sa force. C’est un délire, une folie ! Je lui aurais tout dit et il se serait calmé. Est-ce à lui de me craindre ? Savez-vous, madonna… ces jours-ci, lorsque j’ai vu son dessin : ses soldats se baignant dans l’Arno, je n’en croyais pas mes yeux. Personne ne peut même se figurer ce qu’il est et ce