IV
Le lendemain, monna Lisa vint à l’atelier à l’heure habituelle et, pour la première fois, seule. Gioconda savait que c’était leur dernière entrevue.
La journée était ensoleillée, la lumière aveuglante. Léonard tendit le plafond de toile, et dans la cour aux murs noirs régna la lumière tendre, crépusculaire, transparente, qui donnait au visage de Gioconda un charme pénétrant.
Ils étaient seuls.
Il travaillait silencieux, concentré, parfaitement calme, oublieux de ses pensées de la veille, comme si pour lui n’existaient ni passé ni avenir, comme si Gioconda était restée et resterait toujours assise ainsi devant lui, avec son doux et étrange sourire. Et ce qu’il ne pouvait faire dans la vie, il le faisait dans la contemplation, unissait la réalité et son reflet, la vivante et l’immortelle. Et cela lui procurait la joie d’une grande délivrance. Maintenant il ne la plaignait ni ne la craignait. Il savait qu’elle lui serait soumise jusqu’à la fin, qu’elle accepterait tout, qu’elle endurerait tout, qu’elle mourrait et ne se révolterait pas. Et par instants il la regardait avec la même curiosité que celle qu’éveillaient en lui les condamnés qu’il accompagnait jusqu’à la potence pour étudier les derniers frémissements de leur visage.