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Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/654

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Raphaël. Je lui demanderai, et elle me dira, car elle n’a pas eu le temps de me le dire, ce qu’il faut en plus de la curiosité pour pénétrer les plus merveilleux mystères de la caverne ? »

Et une telle joie emplissait son âme qu’il semblait avoir non pas cinquante-quatre ans, mais seize ans et tout l’avenir devant lui. Seulement, tout au fond de son cœur où ne pénétrait aucun rayon, sous cette joie s’éveillait un terrible pressentiment.

Il passa chez Machiavel pour lui remettre des papiers d’affaires, comptant rendre visite le lendemain à messer Giocondo. Mais il ne put patienter et décida de demander le soir même des nouvelles au portier du Lungarno delle Grazie.

Léonard descendait la rue Tornabuoni vers le pont Santa Trinità. Le temps – comme cela arrive souvent en automne à Florence – avait brusquement changé. Du Munione soufflait un vent du nord, pénétrant, et les cimes du Mugello blanchirent d’un seul coup. Une pluie fine tombait. Tout à coup, déchirant l’épais rideau de nuages, le soleil éclaboussa les rues sales et humides, les toits des maisons et les visages des gens, de sa lumière jaune, métallique et froide. La pluie devint pareille à une poussière de cuivre. Et, de loin en loin, des vitres se teintèrent de pourpre. En face de l’église Santa Trinità, près du pont, s’élevait le Palazzo Spini. Sous son porche se tenaient plusieurs hommes, les uns assis, les autres debout, et causant avec une animation telle qu’ils ne sentaient pas les morsures du vent du nord.