Page:De Merejkowsky - Le Roman de Léonard de Vinci, 1907.djvu/9

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points, ni virgules, avec des chiffres romains — les chiffres arabes étant considérés comme une innovation puérile, indigne des livres commerciaux. Sur la première page, en grandes lettres, se détachait la mention suivante :

« Au nom de N. S. Jésus-Christ et de la Très Sainte Vierge Marie, ce livre de comptes commence l’an quatorze cent quatre-vingt-quatorzième après la naissance du Christ. »

Ayant achevé la vérification des dernières inscriptions et corrigé une erreur dans la liste des marchandises reçues en dépôt, messer Cipriano, fatigué, se renversa sur le dossier de son siège, ferma les yeux et songea à la rédaction de la lettre qu’il devait expédier à son principal commis, au sujet de la foire des draps qui se tenait à ce moment à Montpellier, en France.

Quelqu’un entra. Le vieillard ouvrit les yeux et reconnut Grillo, le fermier qui lui louait les prés et les vignes dépendant de sa villa de San Gervasio, dans la vallée du Munione. Grillo saluait, tenant dans ses mains un panier plein d’œufs soigneusement enveloppés de paille. À sa ceinture pendaient, la tête en bas, deux jeunes coqs liés par les pattes.

— Ah ! Grillo ! murmura Buonaccorsi avec l’affabilité qui lui était coutumière, aussi bien vis-à-vis des riches que des humbles, comment te portes-tu ? Je crois le printemps bien favorable.

— Pour nous autres vieux, messer Cipriano, le printemps n’est plus une joie, car nos os geignent pis