Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/138

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la confiance de miss Nancy et le récit de ses amours.

La route de Messine à Catane réunit tout ce que la nature peut offrir de plus riche et de plus varié pour l’œil du voyageur. Située sous le même degré que Tunis, elle échappe à l’aridité de l’Afrique par le vent de la mer et le voisinage des montagnes. Sur la gauche, elle côtoie sans cesse le rivage et, à droite, elle est coupée par des torrents. D’un côté on voit la ville de Reggio, sur la pointe de la botte italienne, et de l’autre la tête blanche de l’Etna. Les orangers donnent un ombre noire que le soleil ne perce jamais et répandent, au loin, une odeur délicieuse. Les chênes verts, les tulipiers, les myrtes et les catalpas, qui semblent vulgaires aux gens du pays, ont, pour l’étranger, un air de luxe qui change les bois en jardins et parcs. Le chemin est entièrement bordé par ces énormes cactus qui portent la figue d’inde et ressemblent plutôt à des excroissances qu’à des plantes. Ces cactus poussent dans la pierre, sur des murailles, au milieu de la lave ; il ne leur faut que de la chaleur et, comme ils en ont de reste, ils se multiplient et produisent sans culture. Les plus grands ont jusqu’à douze pieds de hauteur. Ils entremêlent leurs énormes raquettes en formant des groupes bizarres, tantôt rampant sur la terre comme des serpents, tantôt dressés en l’air et tordus par des convulsions. Souvent ils se rangent en bataille et, tout à coup, ils s’entassent par pelotons dans un espace étroit où ils figurent une mêlée grotesque. Les paysannes, qui font sécher leur linge sur les figuiers d’Inde, leur prêtent encore des vêtements fantastiques, dont le hasard les affuble aussi bien que Callot l’aurait pu faire. C’est, du reste, une plante fort utile, comme