Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/153

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bruit à Naples et dont la police avait arrêté la publication. L’auteur, M. Ranieri, jeune homme de mérite, a été un moment emprisonné. Une dame, qui ne le connaissait pas, fut assez généreuse pour s’intéresser à son malheur et obtint sa mise en liberté. Il ne faut pas oublier de dire que cette dame est une Française. J’ouvris le roman de Ginevra, prévenu en faveur de l’ouvrage par les infortunes de l’auteur.

L’héroïne est une enfant trouvée ; on la maltraite à l’hospice, quoique douce et gentille. A l’âge de quatre ans, elle est adoptée par une vieille femme qui en fait une gardeuse de dindons. Elle tombe ensuite entre les mains d’une mendiante qui la martyrise horriblement. A sept ans, la pauvre fille devient la servante d’une vieille locandière, chez qui habitent des étudiants misérables et voraces. Battue par la locandière, rudoyée par les sauvages étudiants et contrainte à des travaux au-dessus de ses forces, l’héroïne se trouve dans un état de souffrance et d’abjection qui finit par fatiguer le lecteur. Il ne me semble pas naturel qu’une petite fille, jolie et bonne, ne rencontre que des oppresseurs et jamais un visage ami. Il n’et pas vrai que tout le monde s’entende contre l’enfance et la faiblesse ; l’auteur me paraît avoir accordé une trop grosse part au mal. Cependant, les tableaux de la vie des étudiants contiennent des détails très curieux. L’intérieur crapuleux de la locanda est peint avec un véritable talent. On peut reprocher seulement au romancier un défaut, qu’il partage avec beaucoup d’écrivains italiens, celui de déclamer et de donner des réflexions qui devraient être laissées au lecteur. En voyant comme Ginevra excite la pitié du narrateur, celui qui