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Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/228

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reçoit certaines apostrophes qui sembleraient injurieuses si le désespoir ne leur servait d’excuse. Des femmes qui ont apporté leur enfant malade l’année précédente le rapportent plus pâle et plus languissant encore, le montrent à la Vierge et demandent d’où vient qu’elle n’a rien fait pour elles. Des orphelines échevelées gémissent au pied de l’autel. Des paysans parlent à l’image avec une éloquence sauvage et passionnée. J’ai vu une femme du peuple lever en l’air un enfant de cinq ans, contrefait et rachitique, fondre en larmes et s’écrier avec une voix touchante : « hélas ! divine Marie, tu as fait des miracles pour tant de monde, tu as guéri et sauvé tant de gens, qu’on ne peut plus les compter, et tu ne veux rien faire pour mon pauvre garçon ! »

Un vieux paralytique, porté sur les larges épaules de ses deux fils, tâchait de séduire la Madone par l’offre d’un superbe cadeau : « Tu ne songes donc pas, lui disait-il, que je t’ai promis deux chandeliers d’argent ? Je voulais te les donner du poids d’une demi-livre, et tu sais bien que je ne suis pas assez riche pour y mettre davantage ; cependant, puisque tu n’es pas contente, j’irai jusqu’à une livre d’argent pour les deux chandeliers ».

Au milieu de l’église est un petit sentier de marbre gris sur lequel la foule s’abstient de marcher. Des pèlerins se traînent sur les mains et les genoux, depuis la porte jusqu’à l’autel, en baisant et léchant ce sentier de marbre, conduits en laisse par un ami qui les guide avec un mouchoir ou une corde.

Pendant ce temps-là, on entend au-dehors les cris de joie, les rires, les danses, la musique et les détonations d’armes à feu. Vous sortez de l’église ému