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Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/240

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dirait qu’il l’a secouru lui-même et appellerait la servante en témoignage ? On est libre, à Gaëte, de se donner des impressions d’histoire à propos d’Alphonse d’Aragon, de Charles-Quint et du connétable de Bourbon qui ont illustré cette place de guerre. Je fus séduit bien davantage par la vue de la pleine mer, les jardins de citronniers et, surtout, par une bonne silhouette napolitaine, la dernière que je devais voir et que je considérai avec attendrissement ; c’était un officier de la garnison en grande tenue, l’épée au côté, le shako à torsades sur la tête, les épaulettes d’argent bien brillantes, partant pour la campagne sur un petit âne et tenant à deux mains un large parasol qui le préservait de l’ardeur du soleil. Pour qu’on s’avisât de remarquer son naïf équipage, il fallait qu’il vînt à Gaëte un de ces Français prétentieux qui aimeraient mieux mourir d’un érésipèle que de braver un semblant de ridicule. Le Napolitain s’embarrasse peu de ce qu’on pensera de lui en le regardant ; il se met à son aise et fait, tout simplement, ce qui lui convient.

Nous laissons derrière nous Mola-di-Gaëta, le tombeau de Ciceron et le village d’Itri. Nous passons le bourg de Fondi, renommé pour la beauté de ses femmes et deux fois saccagé par les Turcs. Le corsaire Barberousse, débarquant sur la plage voisine pendant une nuit, pilla la ville, massacra les habitants et enleva les jeunes filles qu’il emmena en Afrique. Il n’avait pas tout pris car on en voit encore de fort belles. C’est à Fondi qu’on s’aperçoit du changement de territoire. Le sang de la Campanie disparaît de village en village. La taille des femmes devient plus élancée, la démarche plus grave ; les yeux s’agrandissent, les