— Voilà Rome ! s’écrie le Carthaginois.
Et la voiturée entière bat des mains ; Le coup d’œil général de cette étrange campagne est celui d’un cimetière de géants. La terre, « trop fatiguée de gloire pour pouvoir produire », comme l’a dit Mme de Staël, est d’une couleur cadavéreuse et n’a point retrouvé cette vie nouvelle qu’elle reprend sur la lave-même des volcans. Son rôle en ce monde est fini ; elle attend que le reste du globe meure à son tour. On est entouré de débris. D’énormes fragments d’aqueducs élèvent leurs arcades étroites et brisées. Des pans de muraille ont encore besoin d’un siècle ou deux avant de se laisser tomber et demeurent suspendus en l’air, dans une position problématique, ayant perdu leur appui. Quelques tombeaux, échappés à cent désastres, sont encore debout. C’est par Albano et la voie Appia qu’il faut arriver, pour apprécier l’antique banlieue de Rome. La route du Nord, par le pont Molle, n’offre plus le même spectacle.
Nous découvrons, à l’horizon, d’autres dômes, auprès de celui de Saint-Pierre ; le profil de Saint-Jean de Latran nous montre des statues fantastiques et qui, de loin, ressemblent plus à des démons qu’à des saints. Auprès de cette église est une porte crénelée, d’où partent les anciennes murailles de couleur sombre, comme si la pierre était calcinée par le soleil. Rome n’est plus un nom assez vieux pour de telles ruines ; on croirait plutôt entrer à Jéricho.
Le douanier nous avait arrêtés à la porte et parlementait avec le vetturino ; nous étions descendus pour jouir à notre aise du caractère religieux des débris qui nous entouraient. Tout à coup, la jolie lectrice pousse un cri perçant et se précipite dans les