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Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/267

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et se conduisait, d’ailleurs, honnêtement, donnant aux pauvres et remplissant bien ses devoirs. Deux jeunes Transteverins faisaient la cour, en même temps, à la belle Giovannina. L’un d’eux, don Vespasiano avait six pieds de haut, une figure agréable et, pour tout bien, sa vigueur musculaire dont il ne daignait pas se servir pour travailler. L’autre, don Ambrogio, moins bel homme que son rival, était plus robuste encore ; il se posait, comme un empereur romain, devant le cabaret, se drapait dans un manteau troué qui ressemblait à une peau de lézard et, n’ayant pas d’argent pour aller boire, il attendait que la Giovannina vînt causer avec lui sur le seuil de la porte. La jeune fille préférait Vespasien ; quand elle sortait pour chercher de l’eau, elle s’arrêtait volontiers au bord de la fontaine où il dormait, à l’ombre, et causait avec lui, au grand plaisir de don Ambroise, à qui elle répondait toujours qu’elle avait trop de besogne dans la maison pour s’amuser dans la rue. Le père ne voulait aucun des deux prétendants pour son gendre ; il ouvrait, de temps en temps, la fenêtre et leur envoyait quelques malédictions énergiques, en les priant d’aller rôder plus loin. On lui ripostait par tous les accidenti et les guaï ! du dictionnaire transteverin et on s’éloignait pour revenir au bout d’une minute.

Un dimanche, les deux rivaux se trouvèrent avoir quelque monnaie dans leur poche et ils entrèrent à la locanda. Une fiasque de vin leur ayant échauffé la tête, ils commençaient à se jeter des regards farouches, lorsque le pfifferaro du pont Rotto vint jouer de son fifre près de la fenêtre et leur demander l’aumône. Vespasien lui donna un baïoc ; mais Ambroise