Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/290

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ont cru les voir, je déclare que toutes les Florentines ont dix-huit ans, les yeux fort doux, les coins de la bouche relevés, les dents belle, la taille mince et élégante. Leurs grands chapeaux de paille ronds, qui se balancent par l’effet de la marche et dont les rubans flottent sur les épaules, leurs bras nus, l’éventail dans leur main droite et le bouquet dans la gauche, leur accent vif, leur parler guttural et leurs mines peu farouches, quoique décentes, composent un ensemble piquant dont les esprits romanesques sont frappés et que les hommes les plus positifs savent apprécier. Sur la place d’Espagne, celui qui aborderait une majestueuse Romaine et lui dirait, en riant, qu’il la trouve belle, s’exposerait à se faire arracher les yeux. Sur la place du Carrousel, le mauvais sujet qui manquerait à la civilité française au point d’apostropher une Parisienne délicate et bien chaussée la ferait mourir de frayeur. La Florentine, moins méchante et moins peureuse, aime trop la conversation pour se fâcher de si peu de chose ; elle vous regarde avec malice et répond sans trouble ni colère. Un compliment lui paraît bon à prendre, même d’un inconnu. Si vous demandez à une grisette de Florence la permission de l’accompagner, elle vous remercie de votre politesse avec un sourire rusé, en disant que le padre ou le marito ne trouveraient pas cela bon s’ils venaient à le savoir et qu’il ne faut pas donner à jaser aux voisins. M. V…, moins poltron que moi auprès des femmes, en faisait souvent l’expérience ; il engageait des colloques interminables ; la grisette, tout en refusant notre compagnie, ralentissait le pas, se laissait reconduire sans effroi aussi loin qu’il nous plaisait d’aller et se déliait la langue de peur de