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Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/36

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— Votre seigneurie me prend pour un autre. Voyez comme j’ai une belle veste. Ce sont des gueux et des vauriens qui courent pour un carlin ; moi, j’en mérite au moins deux par ma promptitude, mon esprit et ma bonne tenue.

Le cocher de fiacre napolitain n’est pas moins original que le facchino. Una carrozza ! c’est le cri que vous entendez sans cesse par-dessus les clameurs et le vacarme étourdissant de la rue. Si vous traversez une place en vous dirigeant vers la station des voitures, tous les cochers s’écrient à la fois : Una carrozza ! et arrivent sur vous au galop, frappant les chevaux à tour de bras, au risque de vous écraser. Ils se heurtent entre eux, s’administrent des coups de fouet et vous présentent le marchepied ouvert avant que vous ayez eu le temps de faire un signe de tête pour accepter ou refuser leurs offres. Lorsque vous passez en calèche devant un fiacre vide, le cocher vous crie encore : Una carrozza ! apparemment dans l’espoir que vous descendrez de l’un pour monter dans l’autre, ou que vous prendrez les deux voitures à la fois Polichinelle ne serait pas plus naïf. Une fois que vous êtes monté dans le carrosse, le cocher brûle le pavé pour se faire payer le mieux et le plus tôt possible. Vous n’avez pas encore mis pied à terre qu’il recommence déjà son cri : Una carrozza ! Assurément vous ne le croiriez pas dans ce moment-là un paresseux ; cependant, au milieu de cette activité incroyable, il ne faut qu’une circonstance de rien pour faire ressortir la paresse de Polichinelle.

Un soir, en rentrant du bal, par la pluie, la porte de l’hôtel étant ouverte, je prie le cocher d’entrer dans la cour.