Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/56

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à en savourer les délices et à voir les deux amants se reposer : « elle sur le sein de la prairie et lui sur le sein de sa maîtresse » donne à penser qu’il aime trop la faiblesse de Renaud pour souhaiter l’arrivée d’Ubaldo. Cependant, lorsque le libérateur se présente, il y a un mouvement dans l’auditoire et le sermon de reproches est toujours accueilli avec enthousiasme. Le lazzarone sourit avec dédain quand l’amante irritée s’écrie : Eh bien ! Va-t-en, ingrat… Je te tourmenterai autant que je t’aimai ». Le public du Nord sait siffler un mauvais ouvrage ; celui de Naples sait bien mieux jouir d’un chef d’œuvre.

C’est surtout par la musique qu’on sent à quel point le Napolitain est artiste et heureusement doué. Le dernier paysan chante avec goût, place une partie de tierce, de quinte ou de basse, sur un motif qu’il entend pour la première fois et convertit ainsi un air en quatuor. Si quelque grande scène de la nature fait vibrer en lui une corde poétique, la sensation se traduit aussitôt par une idée musicale. En revenant d’une fête de village, un Napolitain exprime le plaisir de la journée en improvisant les paroles et la musique d’une chanson qui est le lendemain dans toutes les bouches, si elle a du mérite. Quoi de plus charmant que la fête de Saint-Cloud et à qui a-t-elle inspiré autre chose qu’un feuilleton de journal ? N’oublions pas, cependant, de revendiquer, en l’honneur de la France, le talent de M. G. Cottereau, établi depuis longtemps à Naples et qui a composé plusieurs de ces petits morceaux que le peuple sait par cœur.

Il y a dix ans, l’Italie entière répétait une chansonnette dont l’auteur n’est pas précisément connu. Les uns l’attribuent à M. Cammerano, frère de l’écrivain