Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/68

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n’approcheront jamais. Ce ne sont pas, comme chez nous, des litanies monotones qui endurcissent le passant au lieu de le toucher. Pour la variété des discours, la beauté des intonations, la puissance des gestes, le mendiant napolitain est un véritable artiste. Sur le quai de la Victoire, dans un angle où le soleil donne en toutes saisons, il y avait un homme qui aurait pu se faire professeur d’éloquence en matière de mendicité. Aussitôt que la faim le tirait de son demi-sommeil, il avisait d’un œil sagace le premier étranger envoyé par le hasard et ne le quittait point sans obtenir ce qu’il fallait pour déjeuner. La première fois qu’il me fit l’honneur de me distinguer, ne me connaissant pas encore, il essaya d’abord le terrain en homme habile.

— Signor, me dit-il, venez à mon secours, au nom de votre patron qui doit être un des saints les plus estimés du paradis et qui aura soin de répéter vos bonnes actions aux oreilles du Seigneur ! Au nom de sainte Marie-Nouvelle ! C’est un grand titre, dans le ciel, que faire l’aumône en son nom !

La dévotion à sainte Marie-Nouvelle n’étant pas mon endroit le plus vulnérable, l’orateur changea aussitôt ses batteries :

— Signor, reprit-il, votre excellence est étrangère, bien éloignée de son pays. Au nom de la patrie où elle est née !

C’eût été dommage d’interrompre le discours en mettant la main à la poche ; je feignis de rester insensible.

— Votre seigneurie a une famille, poursuivit le mendiant, une mère qui soupire de son absence et des amis qui souhaitent son retour.