Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/70

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assurément dépensé, à la fin d’un voyage en Italie, plus d’un mois de leur pension en frais de passeport, sans compter les bonnes-mains à donner aux facchini. Vous ne traversez pas une ville, un village, une bourgade, sans exhiber vos papiers et régaler le soldat qui vous les rapporte. J’ai compté ainsi jusqu’à onze timbres et visa dans un seul jour. Mon passeport était devenu un volume relié, plus illustré que le non picol’libro, où Leporello inscrit les bonnes fortunes de Don Juan. Quand il s’agit d’argent, on ne se pique point de discrétion.

Naples a toujours joué un rôle important dans le mouvement intellectuel du monde. Elle occupera un rang plus honorable encore aussitôt qu’on essayera de donner une direction utile à la somme d’intelligence qui se gaspille sans but et sans résultat. On voit, par la revue mensuelle et volumineuse appelée le Progresso, que les sciences, la littérature et la critique ne demandent qu’à prendre leur essor. Il leur manque une condition indispensable, la liberté de parler sans crainte et sans préoccupation. Il faudrait que le profond M. Galuppi ne fut pas obligé de peser ses mots et de renfermer in petto une partie de ses idées philosophiques. Le savant M. Melloni devrait avoir la chaire de physique qui est occupée par un médecin. Il faudrait garder une foule de gens distingués qui s’en vont chercher fortune hors de leur pays. Le grand-duc de Toscane, dans un voyage à Naples, a enlevé plusieurs jeunes savants qui sont fixés aujourd’hui à Pise et à Florence. Il y avait autrefois quatre bibliothèques publiques ; elles sont à présent réduites à trois ; l’un des conservateurs a vendu tranquillement une partie