Page:De Pitray - Voyages abracadabrants du gros Philéas, 1890.djvu/144

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cuisine, il saisit le moment où tout était en mouvement pour donner l’aiglon qu’il venait de plumer à la fille de l’auberge, grosse dondon à demi idiote. Il lui dît rapidement qu’il fallait cuire ce dindon pour ses maîtres. La fille prépara machinalement l’oiseau, sans faire d’observation, et Sagababa devint radieux en voyant son imprudence cachée et réparée, lui semblait-il.

Mais il n’était pas à la fin de ses terreurs. À peine le dîner avait-il été servi que deux exclamations firent sortir Sagababa de sa cachette et le firent arriver dans la salle à manger comme mû par un ressort.

… Il se trouva en face de Polyphème qui, toujours goguenard, avait pris le dindon et l’examinait avec une lunette d’approche, tandis que Philéas se frottait l’estomac tout en repoussant son assiette pleine. Derrière lui, l’hôte, effaré, regardait tour à tour les dîneurs et la malheureuse volaille, cause de tout ce tumulte. Devant ce spectacle, le coupable Sagababa défaillit…

POLYPHÈME, gravement. — Et vous dites que cette bête est un simple dindon, mon hôte ? Convenez que c’est quelque hippogriffe et n’en parlons plus.

PHILÉAS. — Êtes-vous sûr, cher Tueur, que ce ne soit pas quelque animal dangereux à manger ? J’ai l’estomac tout retourné… il me semble que j’ai avalé de la gomme élastique !

L’HÔTE, exaspéré. — Monsieur, frappez-moi, mais n’insultez pas mes volailles. Ma réputation est faite. Rien n’est comparable à ce qu’on mange ici…

POLYPHÈME, railleusement. — Ça, c’est vrai !…