Page:De Pitray - Voyages abracadabrants du gros Philéas, 1890.djvu/159

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les prunes sauvages dont l’arbre était chargé. Polyphème, harassé, se coucha paresseusement sur le talus de la route à l’ombre du prunier.

— Ma foi ! dit-il, une halte est nécessaire ; reposez-vous avec moi, Philéas. Je vais reprendre mon somme de ce matin. Ne m’éveillez pas avant deux heures, au moins. Je n’en puis plus !

Saindoux, malgré sa fatigue, ne voulut pas imiter Polyphème qui dormait comme un bienheureux deux minutes après s’être étendu sur l’herbe. Le gros Philéas, plein de rancune contre Sagababa, voulait le malmener à son aise et grommelait en considérant la mine insolemment satisfaite de Sagababa sur son arbre.

Tout à coup il prit son courage à deux mains et se hissa sur le prunier, à la grande terreur du négrillon qui n’avait pas compté là-dessus.

La mine du petit noir était si piteuse, si comique que le bon cœur de Philéas en fut désarmé. Il éclata de rire au nez de Sagababa un peu rassuré. Le négrillon offrit humblement à son maître quelques belles prunes que Saindoux accepta avec une dignité affable.

Les fruits plurent au gros Philéas. Tout en jetant un regard d’envie sur la pelouse où Polyphème dormait de tout son cœur, il aida Sagababa à dépouiller le prunier de sa récolte, tant et si bien que Polyphème eut tout le loisir de se réveiller et de contempler avec une admiration goguenarde les exploits de son gros ami.

— Bon appétit, mon cher ! s’écria-t-il. Ah çà ! vous avez donc un estomac de fer-blanc pour résister à