Page:De Pitray - Voyages abracadabrants du gros Philéas, 1890.djvu/204

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dire…

Et en achevant ces mots, Saindoux effaré se tâtait les cheveux. Il poussa un grand cri à son tour en regardant ses mains… elles étaient pleines de sang !

Les sanglots de Sagababa redoublaient. Polyphème, effrayé, saisit une serviette et il épongea soigneusement la tête de son ami. Philéas consterné le laissa faire et six cuvettes furent tour à tour ensanglantées ! six serviettes furent tour à tour imbibées de sang. Le médecin, mandé en toute hâte, déclara que ce phénomène arrivait de loin en loin ; il avait été, pour sa part, déjà témoin d’un fait de ce genre…

Saindoux commença dès lors à passer à l’état de phénomène !

À peine levé, il se vit l’objet de la curiosité générale. Chacun se poussait, se pressait pour voir « la tête de sang du Frantzousse ».

Sagababa ne quittait plus son maître d’une semelle. Il le suivait d’un air lugubre, les yeux invariablement attachés sur la chevelure excentrique de Saindoux et poussant de temps à autre des soupirs à fendre des rochers. Polyphème, quoiqu’encore inquiet, était pourtant plus rassuré par les affirmations réitérées du médecin ; ce dernier protestait que le cas, tout extraordinaire qu’il fût, n’était nullement dangereux. Cela arrivait à la suite d’une forte émotion et la teinte sanglante de la chevelure devait disparaître peu à peu. Philéas, déjà très ennuyé de son aventure, le fut encore plus par l’arrivée imprévue de son cousin, le docteur Crakmort.

Le docteur allait en Russie pour affaires et s’arrêta soi-disant pour voir son parent, en réalité par « curiosité scientifique ». Cette tête rouge le transporta d’admiration et il demanda, séance tenante, une consultation. Le médecin de Philéas accepta poliment la proposition, mais Saindoux fit la grimace, étant déjà fort agacé de sa position.

Polyphème, pressentant quelque chose de drôle, se hâta de venir. Quant à Sagababa, convié de sortir, il se cramponna en hurlant au siège de son maître. On le laissa donc là, afin d’avoir la paix.

Le docteur Crakmort commença par faire un long discours sur les cas curieux que la science aime à constater. L’autre médecin avait beau le rappeler à la question, le bavard Marseillais faisait la sourde oreille ; voyant son auditoire sur le point de perdre patience, il s’écria enfin :