Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion est d’instruire ceux qui vivent ès villes, ès ménages, en la cour, et qui par leur condition sont obligés de faire une vie commune quant à l’extérieur, lesquels bien souvent, sous le prétexte d’une prétendue impossibilité, ne veulent seulement pas penser à l’entreprise de la vie dévote, leur étant avis que, comme aucun animal n’ose goûter de la graine de l’herbe nommée Palma Christi, aussi nul homme ne doit prétendre à la palme de la piété chrétienne, tandis qu’il vit emmi la presse des affaires temporelles. Et je leur montre que comme les mères perles vivent emmi la mer sans prendre aucune goutte d’eau marine, et que vers les îles Chélidoines il y a des fontaines d’eau bien douce au milieu de la mer, et que les piraustes volent dedans les flammes sans brûler leurs ailes, ainsi peut une âme vigoureuse et constante vivre au monde sans recevoir aucune humeur mondaine, trouver des sources d’une douce piété au milieu des ondes amères de ce siècle, et voler entre les flammes des convoitises terrestres sans brûler les ailes des sacrés désirs de la vie dévote. Il est vrai que cela est malaisé, et c’est pourquoi je désirerais que plusieurs y employassent leur soin avec plus d’ardeur qu’on n’a pas fait jusques à présent ; comme, tout faible que je suis, je m’essaie par cet écrit de contribuer quelque secours à ceux qui d’un cœur généreux feront cette digne entreprise.

Mais ce n’a toutefois pas été par mon élection ou inclination que cette Introduction sort en public : une âme vraiment pleine d’honneur et de vertu ayant, il y a quelque temps, reçu de Dieu la grâce de vouloir aspirer à la vie dévote, désira ma particulière assistance pour ce regard ; et moi, qui lui avais plusieurs sortes de devoirs,