Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, Curet, 1810.djvu/175

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CHAPITRE II.

Suite des réflexions nécessaires sur le choix des Vertus.


SAINT Augustin dit excellemment bien que plusieurs personnes, dans les commencemens de la dévotion, font des choses qu’on blâmeroit, si l’on en jugeoit par les règles exactes de la perfection, dont cependant on les loue, parce qu’on les regarde en elles comme les présages et les dispositions d’une grande vertu. C’est par cette raison que la crainte basse et grossière, laquelle produit des scrupules excessifs dans l’âme de ceux qui sortent des voies du péché, est considérée comme une vertu, et comme un présage certain d’une parfaite pureté de conscience ; mais la même crainte seroit blâmable en ceux qui sont déjà fort avancés, et dont le cœur doit être réglé par la charité, qui en bannit peu à peu la crainte servile.

La direction de saint Bernard étoit au commencement d’une rigueur et d’une dureté extrême pour ceux qui se mettoient sous sa conduite ; car il leur déclaroit d’abord qu’il falloit quitter le corps, et ne venir, à lui qu’avec le seul esprit ; entendant leur confession, il marquoit d’une manière vive et sévère l’horreur que lui faisoient leurs défauts, pour petits qu’ils fussent : en un mot, il troubloit et aflligeoit